Emmanuel Quenson

Directeur-adjoint du CPN

Professeur de Sociologie

Domaines d’expertise 

Sociologie de l’emploi, sociologie de la formation, sociologie de l’éducation, sociologie des organisations.

Thèmes de recherche

Mes recherches analysent les médiations entre la formation et l’emploi. Pour atténuer la distance entre les savoirs qualifiés de « théoriques », transmis notamment par l’école, et les « compétences », censées être plus proches du travail – distance présentée comme responsable des difficultés d’insertion professionnelle des jeunes et des problèmes d’emploi des adultes – de nouvelles périodes ont été créées entre les phases d’apprentissage, qu’elles soient initiales et qu’elles concernent les adultes, et les phases d’emploi. Se nommant « périodes de formation en entreprise », « contrats d’apprentissage », « contrats de professionnalisation », « stages de formation », etc., elles ont pour point commun d’instituer une alternance des lieux de formation et des lieux de travail. Elles sont aussi la résultante d’une évolution qui place désormais l’entreprise comme un lieu à part entière d’acquisition de connaissances et de dispositions socialement valorisées.

Mes travaux interrogent cette évolution dans ses différentes composantes (politiques, professionnelles, culturelles, symboliques, …). Ils cherchent à en comprendre les déterminations, et les finalités. Ils mettent en lumière les tensions entre acteurs, mais aussi les compromis, qui permettent d’aboutir à la concrétisation de cette politique en faveur de l’alternance et de l’entreprise. Ils examinent les conditions de mise en œuvre dans les établissements scolaires, les centres de formation, les entreprises, en s’intéressant au sens que les acteurs de terrain attribuent aux dispositifs mis en place.

Pour interroger cette transformation sociale, mon programme de recherche s’intéresse à plusieurs maillons caractéristiques de ces médiations entre formation et emploi.

Les écoles d’entreprise

Ces recherches démontrent que ce sont en premier lieu les entreprises, dans leurs propres écoles créées dans l’entre-deux-guerres, qui ont développé l’idée d’une alternance des lieux d’apprentissage entre théorie et pratique, parce qu’elles souhaitaient, par la formation, socialiser les jeunes à l’ordre industriel, autrement que par l’apprentissage traditionnel dans les usines. En pratiquant de la sorte, elles se sont constituées un « salariat de confiance » sur lequel elles ont pu s’appuyer durablement pour développer leur appareil productif.

Cet investissement patronal dans la formation des jeunes a été encouragé par les pouvoirs publics qui se sont succédé. De manière plus encore plus paradoxale à première vue, il a été soutenu par les organisations syndicales ouvrières qui y voyaient un moyen d’assurer la promotion d’une élite ouvrière.

La professionnalisation des diplômes

A partir des années 60, l’Etat prend l’initiative en matière d’éducation de la jeunesse. La formation professionnelle des jeunes s’intègre dans ce mouvement de démocratisation de l’enseignement pour des raisons autant politiques qu’économiques. Il s’agit de pacifier les relations sociales par la formation en permettant à la jeunesse populaire d’accéder à l’emploi qualifié. Il s’agit aussi de favoriser la croissance économique en formant des personnels qualifiés pour les entreprises.

Suite aux premières difficultés d’insertion professionnelle des jeunes apparues à partir des années 80, l’alternance devient le fer de lance de la politique de lutte contre le chômage. Une nouvelle génération de diplômes voit le jour (bac pro, licence pro, master pro) dont l’objectif est de mieux insérer les jeunes dans le monde du travail.

Mes recherches s’intéressent aux politiques qui sous-tendent  la création de ces diplômes, aux conséquences de leur apparition dans les sphères éducatives et professionnelles, et à leurs effets sur l’insertion des jeunes dans la vie professionnelle.

La formation professionnelle des adultes

La politique conduite par l’Etat dans les années 60 visant à substituer le régime de confrontation sociale par un régime de pacification des relations sociales, d’une part, et à conforter la croissance économique du pays par la qualification des salariés, d’autre part, s’appuie sur le développement de la formation professionnelle des adultes. Une loi, en 1971, résulte de cette volonté. Le droit à la formation qu’elle institue permet aux salariés d’acquérir des connaissances et des compétences sans risquer de perdre leur emploi.

Mes recherches traitent des évolutions de la formation des adultes depuis son apparition. Elles permettent de comprendre comment ses objectifs initiaux se sont transformés, au point qu’elle représente actuellement plus un instrument de la politique de l’emploi pour prémunir les salariés du chômage et pour aider à la réinsertion des chômeurs qu’un moyen d’accéder à la mobilité professionnelle.

Mes recherches traitent aussi de la porosité de plus en plus forte qui s’est instituée entre les politiques de l’emploi et la formation professionnelle. Alors que les premières font de l’ « activation » des chômeurs un remède contre la privation d’emploi, les secondes ont inventé une nouvelle figure ; celle du salarié « acteur » de sa formation qui doit être à même de sécuriser son parcours professionnel pour éviter le chômage et la déqualification.

L’orientation des jeunes

L’idéologie de l’ « activation » n’affecte pas seulement le monde de l’emploi et de la formation. Il concerne aussi l’orientation des jeunes à travers l’« éducation à l’orientation » adoptée dès le collège. Mes recherches interrogent le sens et les effets de cette politique qui vise à éviter chez les jeunes le sentiment d’une orientation subie et mal vécue pour lui substituer une orientation choisie, voire assumée.

Les différents dispositifs mis en place, souvent à titre expérimental dans les établissements scolaires, consistent à faire de l’élève l’acteur de son orientation. Cette logique de responsabilisation individuelle s’inspire directement des évolutions également perceptibles dans la formation des adultes.

L’entrepreneur : une nouvelle figure sociale dominante ?

Ces recherches constituent un nouveau développement des travaux précédents. Ceux-ci montrent, avec l’essor de l’alternance, l’importance du rôle assigné à l’entreprise dans l’enseignement et la formation. Ils attestent aussi de la nécessité pour les salariés, les chômeurs et les jeunes de se comporter en « entrepreneurs de leur propre carrière » pour se former, se réorienter, se reconvertir.

Ces réalités en rejoignent d’autres. De nouveaux statuts sont apparus afin de promouvoir le statut d’entrepreneur dans la population salariée, tel que celui d’autoentrepreneur. De nombreuses formations à l’entreprenariat fleurissent dans les universités et les écoles. Les opérations de reconversion professionnelle conduites à la suite des plans de licenciement encouragent la création d’entreprise par d’anciens salariés.

Mes recherches essaient de faire signifier cette évolution sociale où les frontières entre salariat et patronat semblent s’atténuer au point de devenir de plus en plus floues. Sont-elles annonciatrices d’une société où chacun devra désormais se comporter en tant qu’entrepreneurs (de ses études, de sa formation, de son parcours professionnel, de son projet de vie, etc.) ? La figure de l’entrepreneur est-elle appelée à devenir un modèle destiné à se généraliser à d’autres sphères que celle l’entreprenariat ? Cette évolution va-t-elle conduire à une situation où l’entrepreneur (et les dispositions qui lui sont associées) va s’imposer durablement en tant que figure sociale dominante de la réussite ?

Publications 


Ouvrages et directions d’ouvrages

  • Quenson E. (2012), Une socio-histoire des relations formation-emploi, Paris, L’Harmattan, coll. Logiques sociales.
  • Quenson E., Coursaget S. (dir.) (2011), La professionnalisation de l’enseignement supérieur. De la volonté politique aux formes concrètes, Toulouse, Editions Octarès, coll. Le travail en débat.
  • Brucy G., Caillaud P., Quenson E., Tanguy L. (2007), Former pour réformer – Retour sur la formation permanente (1945-2004), Paris, La Découverte.
  • Quenson E. (2001), L’école d’apprentissage Renault 1919-1989, Paris, CNRS Éditions.

Articles dans des Revues à Comité de lecture

  • Quenson E. (avec Hatzfeld N.) (2016), « Du métier au technique. Les évolutions d’une formation ouvrière dans les écoles d’entreprise de l’automobile (1919-1989) », Artefact, n°3, p.53-66.
  • Quenson E. (2012), « La formation en entreprise : évolution des problématiques de recherche et des connaissances », Savoirs, n°28, p. 11-63.
  • Quenson E. (2011), « Les salariés des grandes entreprises face à l’individualisation de la formation », Regards sociologiques, n°41-42, p. 115-131.
  • Quenson E. (2009), « Les diplômes transversaux peinent à s’imposer sur le marché du travail », Formation Emploi, n°106, p. 25-39.

Chapitres dans des ouvrages collectifs

  • Quenson E. (2013), « L’implication du patronat dans la formation : quel retour sur investissement ? L’exemple de Renault et de son école d’apprentissage », in Condette J.-F., L’école : une bonne affaire ? Institutions éducatives, marché scolaire et entreprises (XVIème siècle – XXème siècle, Revue du Nord, Coll. Histoire, n° 29, p. 233-248.
  • Quenson E., Coursaget S. (2012), « Professionnaliser pour insérer ? », in Quenson E., Coursaget S., La professionnalisation de l’enseignement supérieur. De la volonté politique aux formes concrètes, Toulouse, Octarès, p.11-19.
  • Quenson E. Coursaget S. (2012), « Parcours de collégiens dans le processus d’orientation : les enseignements d’une expérimentation locale », in  Ertul S., Melchior J.-P., Widmer E. (2012), Individualisation et inégalités, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 73-86.
  • Quenson E. (2010), « Le rôle des responsables de formation et de l’entretien annuel d’évaluation dans les inégalités d’accès à la formation », in Lescure E. de, Frétigné C. (dir.), Les métiers de la formation : approches sociologiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
  • Quenson E. (2010), « L’exercice du jugement des responsables de formation à l’égard des salariés », in Brémaud L., Guillamin C. (dir.), L’archipel de l’ingénierie de formation, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
  • Quenson E. (2008), « Les diplômes transversaux améliorent-ils la correspondance entre la formation et l’emploi ? », in Maillard F (dir.), Des diplômes aux certifications professionnelles ? Nouvelles normes et nouveaux enjeux, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Des sociétés », p.121-138.
  • Quenson E. (2007), « Informer pour faire adhérer (1971-1976) », in Brucy G., Caillaud P., Quenson E., Tanguy L., Former pour réformer – Retour sur la formation permanente (1945-2004), Paris, La Découverte, p.139-169.
  • Quenson E. (2007), « La transversalité des diplômes de la production : un modèle de certification reconnu sur le marché du travail ? », in Maillard F., Rose J. (Eds), Les diplômes de l’Education nationale dans l’univers des certifications professionnelles. Nouvelles normes et nouveaux enjeux, Relief 20, Echanges du CEREQ.
  • Quenson E. (2007), « Le recrutement des ouvriers : former des compétences plutôt qu’acquérir des qualifications », in Campinos-Dubernet M., Combes M.-C., Redor D. (dir.), Les mutations des industries et des services, Toulouse, Octarès Editions, p.89-95.
  • Moutet A., Quenson E. (2007), « Formation professionnelle et formation technique au cours des Trente Glorieuses », in Costa-Lascoux J., Dreyfus-Armand G., Témime E. (dir.), Renault sur Seine – Hommes et lieux de mémoires de l’industrie automobile, Paris, Editions La Découverte, p. 55-96.
  • Combes M.-C., Quenson E., (2007), « Les centres d’appels : une rationalisation de la relation de service », in Campinos-Dubernet M., Combes M.-C., Redor D. (dir.), Les mutations des industries et des services, Toulouse, Octarès Editions, p.39-45.
  • Campinos-Dubernet M., Quenson E., (2007), « Ecole et entreprise : une redistribution des rôles de formation », in Campinos-Dubernet M., Combes M.-C., Redor D. (dir.), Les mutations des industries et des services, Toulouse, Octarès Editions, p.97-102.

Rapports de recherche

  • Quenson E. (2013), « Les entrepreneurs de la propreté. Représentations, motivations, actions, profils », rapport pour le FARE/Fédération des entreprises de propreté.
  • Coursaget S., Duguet E., L’Horty Y., Petit P., Quenson E. (2012), « Le WIKI IO. Réduire les risques de décrochage et d’abandon à la sortie du collège », Rapport d’évaluation pour le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, 195 p.

Communications

Conférences invitées

  • Quenson E. (2016), « L’approche par compétences dans l’enseignement supérieur : apports et limites du rapprochement université-entreprise », Colloque Professionnalisation des formations supérieures, employabilité et insertion des diplômés, université d’Auvergne, CRCGM, Clermont-Ferrand, 30 juin-1er juillet.
  • N. Hatzfeld, Quenson E. (2012), « L’apprentissage dans les écoles d’entreprise de l’automobile. Formation et socialisation à l’ordre industriel », Colloque « Les mondes du technique au prisme de l’E NS Cachan », Ecole normale supérieure de Cachan, Cachan, 24, 25 et 26 octobre 2012.
  • Quenson E. (2011), « L’implication du patronat dans la formation : quel retour sur investissement ? », Colloque « L’école, une bonne affaire ? », Université d’Artois, Arras, 2 décembre 2011.

Colloques

  • Quenson E. (2010), « La socialisation à l’ordre industriel par la culture : retour sur les écoles d’entreprise », séminaire « Formation et culture d’entreprise », Laboratoire des Sciences de l’Education (LSE), Université Pierre-Mendès-France, Grenoble, 25-26 janvier 2010.
  • Quenson E., Coursaget S. (2010), « Parcours de collégiens dans le processus d’orientation scolaire et professionnel », Colloque « Les parcours sociaux, entre nouvelles contraintes et affirmations du sujet », Université du Maine, Le Mans, 17, 18 et 19  novembre 2010.
  • Quenson E., Coursaget S. (2010), « Stimuler pour orienter : premiers enseignements d’une expérimentation au collège », Colloque Jeunes et Société autour de la Méditerranée, Université Montpellier 1, Montpellier, 28, 29 et 30 Octobre 2010.
  • Quenson E. (2009), « L’exercice du jugement des responsables de formation à l’égard des salariés», colloque international « L’archipel de l’ingénierie de formation », Université Rennes 2 (CREAD), Université de Nantes (CENS), Université de Tours (DYNADIV), Rennes, 22 et 23 janvier 2009. Actes publiés, 241 pages. Contribution pp.81-89.
  • Quenson E. (2008), « Le patronat et l’enseignement professionnel : de l’organisation de la formation au pouvoir d’influence sur les diplômes », colloque international « Concurrence des savoirs en contexte éducatif », Université de Picardie-Jules Verne, Laboratoire Savoirs et Socialisations/Centre Universitaire de Recherche sur l’Action Publique et le politique (SA.SO/CURAPP), Amiens, 15-16-17 octobre 2008.

Séminaires

  • Quenson E. (2016), «  Que vivent aujourd’hui les entreprises en termes de changement ? Quels sont les impacts au niveau des politiques formation/gestion des compétences ? », La formation professionnelle : un levier de la conduite du changement ?, université de Bordeaux, GARF Aquitaine, 2 juin.

Autre

  • Quenson E. (2015), L’approche par compétences, université d’Orléans, 11-12 juin.

Enseignements 

Niveau Licence

  • Depuis 2008 : Relations formation-emploi (L2 Sociologie, CM, formation initiale)
  • Depuis 2005 : Sociologie de l’entreprise et des organisations (L3 AES, CM, formation initiale, apprentissage)

Niveau Master

  • Depuis 2008 : Politiques d’éducation, de formation et d’orientation des jeunes en Europe (M1 Sociologie, CM, formation initiale)
  • Depuis 2007 : Relations formation-emploi (M2 Ingénierie de la formation professionnelle, CM, formation initiale, continue, en apprentissage)
  • Depuis 2007 : Socio-histoire de la formation des adultes (M2 Ingénierie de la formation professionnelle, CM, formation initiale, continue, en apprentissage)

Responsabilités

  • Actuellement en détachement au Céreq (directeur scientifique)
  • Depuis 2012 : Vice-Président de la Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU), Université d’Evry-Val-d’Essonne.
  • Depuis 2007 : Responsable du master 2 de sociologie, parcours Ingénierie de la formation professionnelle (IFP), Université d’Evry-Val-d’Essonne.
  • Expert pour les revues Economies et Sociétés, Formation Emploi, Interrogations, La nouvelle revue du travail, Savoirs.
  • Depuis 2014 : Membre du comité de rédaction de la revue Formation Emploi
  • Depuis 2012 : Membre du conseil scientifique de la revue Les mondes du travail
  • Depuis 2012 : Membre du comité de lecture de la revue Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs
  • Depuis 2011 : Membre du GT 46 « Formation, certification, qualification » de l’Association Française de Sociologie (AFS).

Mise à jour : décembre 2014